Lexbase La lettre juridique n˚631 du 5 novembre 2015

Réf. : Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n˚ 14-20.212, FS-P+B (N° Lexbase : A8463NP7)

Par un arrêt du 24 septembre 2015, la Cour de cassation retient que, dans le cadre de la procédure d’appel avec représentation obligatoire, l’obligation de communiquer par voie électronique les conclusions de l’appelant au greffe dans le délai légal de trois mois est respectée dès lors que ces écritures sont parvenues au greffe dans ce délai, nonobstant un avis de refus.

La dématérialisation présente des avantages certains pour les praticiens en termes de temps et de coûts.

Les contraintes de la procédure d’appel avec représentation obligatoire croissent, cependant, avec le caractère obligatoire de la communication par la voie électronique des actes de procédure dans le cadre de cette même procédure.

Les sanctions sont lourdes en cas de non-respect des règles instaurées et les incertitudes juridiques en la matière entament les bienfaits de la communication électronique.

Les frayeurs des praticiens ne manquent donc pas. Fort heureusement, la Cour de cassation en apaise certaines.

L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile apporte effectivement un souffle d’apaisement à la profession d’avocat lorsque l’avocat diligent se heurte à un avis de refus du greffe de la cour d’appel des conclusions d’appelant envoyées dans le respect du délai de l’article 908 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0162IPP).

Une société a interjeté appel d’un jugement qui avait fixé le prix du loyer de renouvellement du bail commercial conclu avec le bailleur.

Une ordonnance du conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de l’appel en raison du dépôt tardif des conclusions de la société appelante. Cette dernière déféra à la cour cette ordonnance mais se heurta à une décision de confirmation. Le sort de l’appelant fut donc définitivement balayé.

Un pourvoi en cassation fut régularisé contre l’arrêt ainsi rendu par la cour d’appel de Caen le 31 octobre 2013.

L’arrêt de la cour d’appel reprit dans sa motivation l’article 5 de l’arrêté du 30 mars 2011, relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel (N° Lexbase : L9025IPX) prévoyant que les conclusions sont communiquées en pièce jointe d’un message électronique et rappela que la société appelante avait bien signifié ses conclusions par la voie électronique dans le délai de l’article 908 du Code de procédure civile.

Elle estima cependant que, le message de données, constitué du fichier destiné à faire l’objet d’un traitement automatisé, ayant fait l’objet d’un refus de la part du greffe en raison de la non référence du numéro de rôle qui avait été communiqué à l’appelant, l’absence d’avis de réception du destinataire qui en découlait impliquait que les conclusions de l’appelant ne pouvaient être considérées comme ayant été régularisées dans le délai légal de l’article 908.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation cassa cet arrêt sur moyen relevé d’office, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7861I4W).

Sous le visa des articles 906 (N° Lexbase : L0367ITR), 908, 911 (N° Lexbase : L0351IT8) et 930-1 (N° Lexbase : L0362ITL) du même code, les articles 2, 4, 5 et 8 de l’arrêté du 30 mars 2011, relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire, la deuxième chambre civile estima que la cour d’appel avait violé les textes susvisés en statuant ainsi car l’envoi par l’appelante au greffe du fichier contenant ses conclusions, selon les règles de la communication par voie électronique, effectué dans le délai de trois mois de la déclaration d’appel, et parvenu au greffe ainsi que l’établissait l’avis de refus, valait à son égard remise au greffe.

Le principe de la communication obligatoire des actes de procédure par voie électronique n’a pas été sans poser de difficultés (1). La Cour de cassation tempère cette exigence lorsque les parties sont diligentes ou sont étrangères au défaut de communication dans le délai légal (2).

I — Une conjugaison difficile pour les praticiens

A — La caducité de la déclaration d’appel : une arme à double tranchant

L’article 908 du Code de procédure civile dispose : « A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour conclure ».

Contrairement à la nullité, la caducité prive d’effet un acte qui a déjà été régulièrement formé.

L’acte devenant caduc perd ses effets. C’est ainsi que l’assignation jugée caduque a été considérée comme non interruptive du délai de prescription (1).

L’article 385 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2273H4X) dispose par ailleurs : « L »instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation. Dans ces cas, la constatation de l’extinction de l’instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance, si l’action n’est pas éteinte par ailleurs ».

La caducité de la déclaration d’appel s’inscrit donc dans l’une des causes de l’extinction de l’instance d’appel.

La sanction est forte.

N’est-ce pas alors laisser la voie ouverte au plaideur qui bénéficie d’un jugement favorable en première instance de priver son adversaire de la faculté de remettre en cause ce même jugement, défavorable à ce dernier, tout simplement en en interjetant appel après l’avoir fait signifier et en ne concluant pas dans le délai de trois mois ?

Si l’intimé ne forme pas un appel autonome dans le délai d’un mois de la signification du jugement, le défaut de conclusions de l’appelant dans le délai de trois mois va rendre caduque la déclaration d’appel, ce qui aura pour effet d’éteindre l’instance. Le jugement de première instance sera alors définitif si le délai d’appel a expiré, privant ainsi la partie qui avait vocation à en être l’appelant « naturel » de toute voie de recours et de tout appel incident.

La possibilité d’une telle stratégie se confirme par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 13 mai 2015 (2) : l’appel incident, peu important qu’il ait été interjeté dans le délai pour agir à titre principal, ne peut être reçu en cas de caducité de l’appel principal, notamment lorsque les conclusions d’appel n’ont pas été régularisées dans le délai de l’article 908.

La célérité qu’appelle la communication électronique accentue ces risques d’autant que la sanction ici en vigueur est dangereuse à l’égard de toutes les parties.

B — La communication électronique obligatoire entre les parties et la cour d’appel

La notion de communication électronique a été introduite en droit français par la loi n˚ 2004-669 du 9 juillet 2004, relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle (N° Lexbase : L9189D7H) et en procédure civile par le décret n˚ 2005-1678 du 28 décembre 2005, relatif à la procédure civile, à certaines procédures d’exécution et à la procédure de changement de nom (N° Lexbase : L3298HEU), qui a créé, dans le Code de procédure civile, un titre XXI comprenant les articles 748-1 (N° Lexbase : L0378IG4) à 748-7.

Il convient de remarquer que l’irruption de la communication électronique dans la procédure d’appel s’est conjuguée avec la réforme de cette même procédure et avec la réforme liée à la suppression des avoués :

— le décret du 9 décembre 2009, relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile (N° Lexbase : L0292IGW) est entré en vigueur le 1er janvier 2011 et s’est appliqué aux appels formés à compter de cette date,

— la mise en application de la fusion des avoués avec les avocats, prévue initialement à cette même date, a été reportée et est devenue effective le 1er janvier 2012,

— l’article 5 du décret du 9 décembre 2009, dont est issu l’article 930-1 du Code de procédure civile, s’il a prescrit une remise de la déclaration d’appel et de la constitution de l’avoué/avocat sous forme électronique à compter du 1er janvier 2011, a prévu une transmission ou une remise des autres actes de procédure sous cette forme le 1er janvier 2013 au plus tard.

Les praticiens ont donc dû s’adapter à trois révolutions qui se sont succédées à raison d’une chaque année.

L’article 930-1 du Code de procédure civile dispose qu' »à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique » (C. pr. civ., art. 930-1, alinéa 1er) et que « les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique » (C. pr. civ., art. 930-1, alinéa 3).

L’obligation de communication par voie électronique est à double sens. L’irrecevabilité touche directement les parties via leurs avocats mais pas la non communication par la cour des avis, avertissements ou convocations.

Les avocats doivent donc être extrêmement vigilants quant aux actes qui les concernent.

Le texte vise les actes de procédure qui sont destinés à la cour d’appel et qui doivent s’entendre stricto sensu, c’est- à-dire comme les actes de nature à faire progresser le litige : il en est ainsi principalement, depuis le 1er janvier 2011, de la déclaration d’appel et de la constitution d’avocat et, depuis le 1er janvier 2013, des conclusions.

Les pièces, qui ne sont pas des « actes de procédure », n’entrent donc pas dans le champ d’application du texte : elles peuvent, toutefois, être remises à la cour d’appel sous forme électronique, ainsi que le prévoit l’article 2 d’un arrêté du 30 mars 2011 modifié, étant rappelé que, en application de l’article 912, alinéa 3, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0366ITQ), les dossiers, comprenant les copies des pièces visées dans les conclusions et numérotées dans l’ordre du bordereau récapitulatif, sont « déposés » à la cour quinze jours avant la date fixée pour l’audience de plaidoiries.

Le décret modifié du 29 avril 2010 (3) prévoit que vaut signature l’identification réalisée, lors de la transmission par voie électronique, selon les modalités prévues par l’arrêté ministériel pris en application de l’article 748-6 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8588IAC), en l’occurrence l’arrêté du 30 mars 2011 modifié, qui prévoit en outre les modalités techniques des échanges.

La remise des actes de procédure par les parties s’opère, pour les avocats, via le RPVA

Le procédé d’authentification des avocats au RPVA est assimilé à une signature électronique.

La sanction attachée à l’article 930-1, en ce qu’elle a trait à l’obligation pesant tant sur les avocats que sur le ministère public, est l’irrecevabilité relevée d’office par le juge.

Si l’article 911-1, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0165IPS), dispose que « la caducité de la déclaration d’appel en application des articles 902 (N° Lexbase : L0377IT7) et 908 ou l’irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 (N° Lexbase : L0163IPQ) et 910 (N° Lexbase : L0412IGD) sont prononcées par ordonnance du conseiller de la mise en état qui statue après avoir sollicité les observations écrites des parties », il n’existe pas de semblable disposition en ce qui concerne l’irrecevabilité des actes de procédure qui n’ont pas été remis à la cour d’appel sous forme électronique.

Selon l’article 914 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0168IPW), lorsqu’il est désigné et jusqu’à son dessaisissement, le conseiller de la mise en état n’est seul compétent que pour prononcer la caducité de l’appel, pour déclarer l’appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel ou pour déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910, de sorte que ce texte ne prévoit pas spécifiquement la compétence du conseiller de la mise en état pour déclarer irrecevables, par application de l’article 930-1, les actes de procédure qui n’ont pas été remis à la cour d’appel par la voie électronique.

Dans l’espèce de l’affaire tranchée par l’arrêt du 24 septembre 2015, le problème n’a pas été soulevé par l’appelant qui aurait pu tenter de soutenir soit l’incompétence matérielle du conseiller de la mise en état, soit dans le cadre du déféré, un excès de pouvoir pour annuler l’ordonnance entreprise rendue par le conseiller de la mise en état.

La cour aurait eu in fine la tâche d’examiner ce problème d’irrecevabilité.

Le sort de l’appelant était-il alors irrémédiablement voué à l’échec ?

II — De quelques solutions rassurantes à des problématiques croissantes

A — Feu la condition de la communication simultanée des conclusions avec les pièces

Comme nous venons de le rappeler, le défaut de conclusions dans le délai de trois mois pour l’appelant génère d’office la caducité de sa déclaration d’appel.

L’article 906 dispose que « les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l’avocat de chacune des parties à celui de l’autre partie ».

Des conclusions irrecevables, parce que les pièces n’auraient pas été communiquées simultanément, auraient pour conséquence le non-respect du délai prévu à l’article 908 ou celle de ne pas faire courir de délai à l’intimé pour conclure.

L’enjeu était effectivement de taille.

La Cour de cassation a pris position.

Selon avis du 26 juin 2012, elle a indiqué que « doivent être écartées les pièces invoquées au soutien des prétentions, qui ne sont pas communiquées simultanément à la notification des conclusions ».

Dans un avis plus récent du 21 janvier 2013 (Cass. avis, 21 janvier 2013, n˚ 01 300 003 N° Lexbase : A8266I3K), la Cour de cassation a précisé que le conseiller de la mise en état n’est pas compétent pour écarter des débats les pièces invoquées au soutien des prétentions, qui ne sont pas communiquées simultanément à la notification des conclusions.

La sanction ne concerne que les pièces communiquées (en ce sens CA Montpellier, 3 octobre 2012, n˚12/03 903 N° Lexbase : A9605ITW).

La régularisation semble pouvoir se faire avec les dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0386IGE) (conclusions récapitulatives), puisque les dernières conclusions doivent contenir un bordereau récapitulatif des pièces. Ainsi, comme la cour d’appel de Paris a pu l’admettre, l’appelant peut régulariser l’absence de communication de pièces avec les premières conclusions en communiquant ultérieurement les pièces avec les dernières conclusions (CA Paris, 22 novembre 2012, n˚ 11/04 473 N° Lexbase : A3455IXA).

Les pièces ne rentrent pas dans le champ de la communication électronique obligatoire, puisque l’article 930-1 du Code de procédure civile impose la remise à la juridiction par voie électronique des seuls actes de procédure.

Les pièces pourront être communiquées à la cour avec le dossier 15 jours avant la date des plaidoiries (C. pr. civ., art. 912, al. 3).

Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification.

La notion de simultanéité employée commande donc le mode de notification : électronique ou par support papier.

En termes de dématérialisation et de transmission, il est parfois impossible de transmettre des pièces dont le poids est trop conséquent en Mo.

La taille des pièces autorisées dans les envois via e-barreau est de 4 Mo, ce qui est vite atteint, notamment dans les dossiers comprenant des photos, des rapports, des marchés, des cahiers des charges et autres documents très volumineux.

Le temps d’envoi de tels fichiers est par ailleurs considérable, impliquant des envois fractionnés.

La Chancellerie refuse toujours d’augmenter la taille maximale des pièces pour ne pas encombrer encore plus les flux et aggraver les « bouchons ».

La Cour de cassation est venue finalement alléger le doute lié à cette contrainte textuelle de manière singulière : la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière (5) a récemment jugé que les pièces communiquées quelques jours après la notification des conclusions au soutien desquelles elles étaient produites n’ont pas à être écartées des débats dès lors que l’intimé, avant la clôture de l’instruction, a été en mesure de répondre à ces pièces.

La simultanéité de la communication des pièces n’a donc plus grand intérêt.

Le même jour, l’Assemblée plénière estimait en revanche que c’est à tort qu’une cour d’appel a refusé d’écarter des débats les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables (6).

La signification à bonne date des conclusions reste donc primordiale car l’extinction de la procédure par le nonrespect des délais ne pourra être contrecarrée ni réparée par une communication de pièces tardive, alors même que celles-ci ne matérialisent pas des actes de procédure.

B — La faille électronique n’anéantit pas la procédure

Il convient de préciser que les envois, remises et notifications mentionnés à l’article 748-1 du Code de procédure civile font l’objet d’un avis électronique de réception adressé par le destinataire, qui indique, le cas échéant, l’heure de celle-ci.

Qu’en est-il si le greffe émet un avis de refus, alors que les conclusions ont été envoyées à bonne date ?

La partie a été diligente, mais, comme en l’espèce, n’a pas mentionné une information dans son message d’envoi au demeurant non susceptible d’annuler l’acte transmis, à savoir le numéro de rôle général.

L’automatisation peut-elle alors anéantir le respect textuel d’une communication électronique dans le délai légal ?

Aucun texte n’impose de supporter les errata liés au traitement automatisé.

Il n’existe aucune obligation de mentionner tel ou tel renseignement au-delà de ce qui est requis textuellement en matière de validité et de recevabilité des actes.

La question n’avait pas été tranchée et la cour d’appel de Bordeaux adopta une position extrêmement sévère alors que l’avocat de l’appelant avait envoyé électroniquement le fichier contenant ses conclusions d’appel dans le délai de l’article 908.

Cette faille liée au traitement automatisé ne saurait donc anéantir le procès.

L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 24 septembre 2015 rassure et la profession d’avocat peut s’en féliciter, au-delà des parties qu’elle représente et qui auraient été les victimes d’une solution inverse : c’est l’envoi électronique et la remise au greffe qui comptent et non l’accusé de réception. Un avis de refus du greffe de la cour justifie la remise et la date de cette remise.

Il s’agit en réalité d’une réception mais imparfaite en ce sens où le greffe en refuse le contenu.

La condition de réception n’est pas supprimée par l’arrêt commenté.

Les magistrats ont en effet pris le soin de préciser que l’avis de refus valait remise au greffe.

La remise reste donc de guise.

Dès lors que le plaideur est diligent, qu’il justifie avoir envoyé électroniquement ses conclusions au greffe de la cour dans le délai prévu à l’article 908 et qu’il peut justifier que le fichier a été remis au greffe, un avis de refus suffisant, son appel est sauvé.

La Cour de cassation est allée au-delà de l’article 908 puisqu’elle vise également dans son arrêt les articles 906 et 911. La solution vaut donc aussi pour l’intimé via la recevabilité de ses conclusions et/ou de son appel incident ou provoqué.

Si l’envoi et la transmission ne sont en revanche pas assurés à bonne date, la seule échappatoire à la caducité et à l’irrecevabilité couperets est la preuve d’une cause étrangère.

La cause étrangère est expressément prévue, de manière générale, par l’article 748-7 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0423IGR) : « lorsqu’un acte doit être accompli avant l’expiration d’un délai et ne peut être transmis par voie électronique le dernier jour du délai pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, le délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant » et, de manière spéciale en matière de communication électronique obligatoire en appel, par l’article 930-1, alinéas 2 et 3 : « Lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe. En ce cas, la déclaration d’appel est remise au greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l’un est immédiatement restitué. Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l’expéditeur ».

La cause étrangère se distingue de la force majeure en ce que les conditions d’imprévisibilité et d’irrésistibilité ne sont pas requises ainsi que l’a d’ailleurs estimé la Chancellerie dans une circulaire Dacs du 31 janvier 2011, selon laquelle il s’agit de « pallier un dysfonctionnement dans le dispositif d’émission, de transmission ou de réception ».

La condition d’extranéité va en effet justifier en présence d’un problème inhérent au fonctionnement du RPVA, auquel cas il faudra obtenir une attestation du responsable de l’informatique et des télécommunications au secrétariat général du ministère de la Justice (si RPVJ) ou du Conseil national des barreaux.

Il appartient dès lors à l’auteur de l’acte de se prémunir contre des risques normaux susceptibles d’affecter la transmission, sans qu’il soit tenu d’envoyer l’acte par d’autres moyens de nature électronique.

La cause étrangère est-elle pour autant rassurante ?

Comment parer à une panne informatique, comment justifier que cette panne est étrangère au cabinet concerné ?

Un constat d’huissier suffirait-il ? Assurément non.

Un tel acte ne ferait que constater à telle heure, tel jour l’existence d’une panne, sans pour autant en déterminer l’origine (mauvais entretien, défaut de maintenance, non intervention dans les délais contractuels du technicien de la maintenance, mauvaise manipulation, virus etc.).

La panne viendrait elle d’un autre poste que celui de l’avocat titulaire de la clé, voire du serveur du cabinet, pourraiton alors considérer, la clé de connexion au RPVA étant en l’état actuel personnelle à l’avocat et affectée à un ordinateur précis, que son origine fût extérieure (la preuve serait rapportée qu’elle ne provient pas dudit ordinateur) ?

Autant dire que les expertises peuvent encore être à l’ordre du jour et que les débats n’ont pas fini d’encombrer la mise en état et la Cour en cas de déféré, ce qui est manifestement un frein à la célérité attendue.

Viennent à l’esprit les remarques de Monsieur le Professeur Hervé Croze : « l’article 930-1 du Code de procédure civile rendra totalement irrecevable tout acte de procédure d’appel qui ne sera pas fait sous la forme électronique, sous la réserve du principe de la cause étrangère dont la démonstration est plus difficile que de faire passer un chameau par le chas d’une aiguille… » (7).

Dès lors que la communication électronique devient obligatoire, il n’est pas certain que les objectifs attendus par les partisans de la nouvelle procédure devant la cour d’appel soient atteints.

Il serait enfin souhaitable de cesser la prolifération des textes : nous en sommes à six arrêtés pour les procé- dures d’appel avec représentation obligatoire, ces arrêtés se modifiant souvent les uns les autres, ce qui rend leur compréhension difficile, d’autant que leur application s’est faite progressivement.

Le chemin de la communication électronique n’est donc pas facile à suivre et l’est encore moins lorsque :

— s’ajoutent à cette complexité les protocoles de mise en œuvre de cette communication, signés au niveau local par les chefs des juridictions et les Ordres des avocats, dans le cadre de la convention cadre du 16 juin 2010 (portant extension aux cours d’appel de la précédente convention-cadre conclue le 28 septembre 2007 pour les tribunaux de grande instance), entre le ministère de la Justice et le CNB ;

— une menace d’irrecevabilité des conclusions pour violation de ces protocoles plane, alors même que cette irrecevabilité ne serait pas prévue par le Code de procédure civile (8).

Certains dénoncent la balkanisation de la justice française (9).

Si la communication électronique est effectivement perçue comme une nécessité en harmonie avec l’évolution des technologies et le but affiché d’une célérité de la justice, il n’en demeure pas moins que, dans le respect de la qualité également souhaitée et indispensable au bon fonctionnement de la justice, elle ne doit pas entraver les droits ni compliquer d’avantage ce qui est déjà drastique.

Il importe en effet pour le justiciable, dans le respect de ses droits, que trois objectifs soient remplis : la durée du procès ne doit pas être excessive, le procès doit conserver une dimension humaine et doit respecter les règles de procédures applicables, en ce compris les principes fondamentaux qui les gouvernent.

La communication électronique doit donc être poursuivie via une amélioration des technologies afin de la rendre plus sécurisée et efficiente, sans pour autant devenir une contrainte supplémentaire : « c’est tout le mal de la communication électronique qui devait être un bienfait. L’erreur est de la rendre obligatoire au lieu de se contenter de l’autoriser » (10).

La Cour de cassation aide en ce sens et l’arrêt commenté le démontre.

 


 

(1) Ass. plén., 3 avril 1987, D., 1988, somm. 122, obs. Julien.

(2) Cass. civ. 2, 13 mai 2015, n˚ 14-13.801, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8860NHM), Gaz. Pal., 20-22 septembre 2015.

(3) Décret n˚ 2010-434 du 29 avril 2010, relatif à la communication par voie électronique en matière de procédure civile (N° Lexbase : L0190IHI) modifié par le décret n˚ 2012-1515 du 28 décembre 2012, portant diverses dispositions relatives à la procédure civile et à l’organisation judiciaire (N° Lexbase : L7997IUQ).

(4) Ce décret n’était applicable que jusqu’au 31 décembre 2014.

(5) Ass. plén., 5 décembre 2014, n˚ 13-19.674, P+B+R+I (N° Lexbase : A8234M4Q).

(6) Ass. plén., 5 décembre 2014, n˚ 13-27.501, P+B+R+I (N° Lexbase : A8235M4R).

(7) H. Croze, Irrecevabilité des conclusions pour violation d’une convention de procédure, JCP éd. G. n˚ 52, 24 décembre 2012, 1394.

(8) CA Reims, 27 novembre 2012, n˚12/02 121 (N° Lexbase : A5587IX9).

(9) H. Croze, Napoléon reviens, ils sont devenus fous !, Procédure 2012, repère 11.

(10) H. Croze, Irrecevabilité des conclusions pour violation d’une convention de procédure, JCP éd. G., n˚ 52, 24 décembre 2012, 1394.