Lexbase Hebdo édition privée n°712 du 21 septembre 2017 – [Procédure civile] Jurisprudence N° Lexbase : N0174BXQ

Réf. : Cass. civ. 2, 7 septembre 2017, n° 16-20.463, F-P+B (N° Lexbase : A1189WRH)

Par un arrêt du 7 septembre 2017, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation précise que, dans le cadre d’un litige indivisible, la nouvelle déclaration d’appel tendant -après expiration du délai pour interjeter appel— à appeler les autres parties à la cause est également recevable, dès lors que l’appel initial de l’appelant à l’égard d’au moins une partie était recevable et que l’instance est encore en cours. ”[…] ayant, d’abord, retenu par des motifs non critiqués, que le litige opposant les parties était indivisible […] puis, exactement retenu que l’article 552 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6703H7E) permettait à un appelant, dès lors que son appel était recevable à l’égard d’au moins une partie et que l’instance était encore en cours, d’appeler les autres parties à la cause après l’expiration du délai pour interjeter appel, la cour d’appel en a exactement déduit que le second appel […] était recevable. Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, dont il découlait que l’ensemble des parties présentes en première instance à ce litige indivisible l’étaient également en cause d’appel, c’est à bon droit que la cour d’appel a écarté la fin de non-recevoir tirée de l’article 553 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6704H7G) soulevée par l’assureur”.

A la suite d’un accident de la circulation, une victime et plusieurs membres de sa famille ont fait assigner devant un tribunal de grande instance l’assureur du conducteur du véhicule impliqué dans l’accident et l’agent judiciaire du Trésor.

Insatisfaits du jugement rendu, les demandeurs initiaux ont, par une première déclaration d’appel, relevé appel du jugement rendu en première instance en intimant l’assureur et ”l’établissement public Trésor public”, puis par une seconde déclaration d’appel, ont relevé appel du même jugement à l’encontre, cette fois-ci, de ”l’Agent judiciaire de l’Etat”.

L’assureur fit grief à l’arrêt d’appel attaqué (CA Besançon, 26 novembre 2014, n° 13/01 903 N° Lexbase : A3222M44) d’avoir déclaré le second appel recevable alors selon lui qu’il résulte des articles 117 (N° Lexbase : L1403H4Q), 119 (N° Lexbase : L1407H4U), 552 (N° Lexbase : L6703H7E) et 553 (N° Lexbase : L6704H7G) du Code de procédure civile que l’irrégularité de fond affecte la validité de l’acte et qu’en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance.

Selon l’assureur, la cour d’appel ne pouvait considérer que la déclaration d’appel initiale était nulle comme affectée d’une irrégularité de fond pour avoir été formée contre ”l’Etablissement Public du Trésor public” et que cette déclaration était régulière pour l’assureur, motif pris de l’indivisibilité du litige.

L’assureur ajoutait enfin que l’article 126 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1423H4H) impliquait que, l’appel formalisé à l’encontre d’une partie qui n’a pas qualité, ne pouvait être régularisé qu’avant l’expiration du délai d’appel.

Le pourvoi fut rejeté, la deuxième chambre civile estimant, au contraire de ce que soutenait la compagnie d’assurance, que l’article 552 du Code de procédure civile permettait à un appelant, dès lors que son appel était recevable à l’égard d’au moins une partie et que l’instance était encore en cours, d’appeler les autres parties à la cause après l’expiration du délai pour interjeter appel.

La Cour de cassation releva également, pour soutenir l’arrêt attaqué, que la cour d’appel avait constaté à juste titre que le litige présentait, à nouveau en cause d’appel, un caractère indivisible.

La nullité d’une déclaration d’appel n’était déjà plus une arme redoutable à l’encontre de l’appelant (I). La seconde déclaration d’appel visant à attraire une partie non assignée par la première ne succombera pas du fait de la nullité de celle-ci, formée dans le délai d’appel, dès lors que l’instance est encore en cours et que le litige est indivisible (II).

 

I — Nullité de la déclaration et survie de l’appel

La Cour de cassation a clarifié les débats s’agissant des cas de nullité invocables dans l’arrêt qu’elle a rendu en Chambre mixte le 7 juillet 2006 (1) : la notion d’inexistence ne saurait être admise aux côtés des nullités de forme et des nullités de fond.

Quelle que soit la gravité de l’irrégularité alléguée, seules affectent la validité d’un acte de procédure, indépendamment du grief qu’elles ont pu causer, les irrégularités de fond limitativement énumérées à l’article 117 du Code de procédure civile.

L’article 117 vise comme cas de nullité le défaut de capacité d’ester en justice et le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant, soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une capacité d’exercice.

En l’espèce, la première déclaration d’appel visait par erreur ”l établissement public Trésor public” alors qu’elle aurait dû viser ”l’Agent judiciaire de l’Etat”.

Pour être précis, il ne s’agissait donc pas d’un problème de qualité mais de représentation : seul ”l’Agent judiciaire de l’Etat”, au demeurant correctement assigné en première instance, pouvait représenter l’Etat devant les juridictions de l’ordre judiciaire, non ”l’Etablissement public Trésor public”.

Ce défaut de pouvoir constituait donc bien un cas de nullité de fond.

La déclaration d’appel constitue l’acte de saisine de la cour (C. pr. civ., art. 900 N° Lexbase : L0916H4P).

C’est bien l’acte de saisine qui avait été annulé par la cour d’appel dans l’arrêt attaqué par le pourvoi.

Le délai d’appel expiré, une nouvelle déclaration d’appel pouvait-elle être régularisée ?

L’une des branches du moyen du pourvoi se heurtait déjà à une solution consacrée en octobre 2014 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

En effet, la deuxième chambre civile a, dans un arrêt du 16 octobre 2014, clairement posé comme principe que le délai d’appel est un délai de forclusion et que la décision annulant une déclaration d’appel pour vice de fond a un effet interruptif sur le délai d’appel au sens de l’article 2241, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9) (Cass. civ. 2, 16 octobre 2014, n° 13-22.088, F-P+B N° Lexbase : A6522MY9 ; cf. l’Encyclopédie ”Procédure pénale” N° Lexbase : E9922ETN ; sur cet arrêt, lire nos obs., La décision annulant une déclaration d’appel pour vice de fond a un effet interruptif sur le délai d’appel au sens de l’article 2241, alinéa 2, du Code civil, Lexbase, éd. priv., n° 590, 2014 N° Lexbase : N4495BUZ).

La Cour de cassation rappela que c’est la décision d’annulation de la première déclaration d’appel à laquelle s’attache l’effet interruptif du nouveau délai qui recommence à courir. Cette solution, bien que non discutée dans le cadre de l’affaire commentée, aurait donc balayé l’argument de l’auteur du pourvoi selon lequel, en vertu de l’article 126 du Code de procédure civile, l’appel ne pouvait plus être régularisé après l’expiration du délai d’appel. Le délai courrait via l’effet interruptif lié à la décision d’annulation.

L’intérêt de se battre sur la nullité d’une déclaration d’appel se tarit car l’interruption du délai d’appel par la décision de nullité permettra une régularisation nonobstant une signification de jugement bien antérieure.

En l’espèce, la seconde déclaration d’appel aurait donc pu, par l’effet interruptif lié à la décision d’annulation, être sauvée des fourches caudines du spectre de la nullité de la première.

Au-delà, la règle en matière d’indivisibilité du litige sauva définitivement cette seconde déclaration.

 

II — L’indivisibilité du litige

L’article 552 du Code de procédure civile dispose : ”En cas de solidarité ou d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel formé par l’une conserve le droit d’appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l’instance. Dans les mêmes cas, l’appel dirigé contre l’une des parties réserve à l’appelant la faculté d’appeler les autres à l’instance”.

Sous le visa de cet article, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation jugeait déjà en 1981 que son alinéa 2 ne pouvait recevoir application que si l’instance d’appel introduite dans le délai était toujours en cours (2).

En l’espèce, il fallait vérifier que l’instance n’était pas terminée lorsque la seconde déclaration d’appel fut régularisée.

L’arrêt attaqué jugeant la nullité de la première déclaration d’appel, introduite dans le délai, était effectivement postérieur à la seconde déclaration d’appel, formée hors délai.

C’est ce que rappela la Cour de cassation au regard des constatations de la cour d’appel contenues dans son arrêt.

L’instance état donc bien encore en cours à la date de la seconde déclaration d’appel.

L’appel d’une autre partie à l’instance se formant notamment par une nouvelle déclaration d’appel, seule la question de l’indivisibilité du litige demeurait.

Il ne s’agissait pas d’une difficulté majeure car en première instance l’Agent judiciaire de l’Etat avait bien été assigné et le litige était déjà indivisible, ce que constatait la cour d’appel dont l’arrêt a été attaqué.

L’erreur en appel qui consista à attraire par première déclaration d’appel ”L’établissement public, Trésor public” à la place de ”l’Agent judiciaire de l’Etat” ne pouvait faire disparaître ce lien indivisible qui allait à nouveau unir les parties en appel.

Le rejet du pourvoi était donc clairement prévisible.

 


 

(1) Cass. mixte, 7 juillet 2006, n° 03-20.026, P+B+R+I (N° Lexbase : A4252DQK ; cf. l’Encyclopédie ”Procédure civile”
N° Lexbase : E1151EU8), Bull. ch. mixte, n° 6.
(2) Cass. civ. 2, 15 avril 1981, n° 80-10.228 (N° Lexbase : A5527CH8 ; cf. l’Encyclopédie ”Procédure civile” N° Lexbase :
E5642EYM), Gaz. Pal., 1981, 2, 614.