Lexbase Hebdo édition privée n˚590 du 13 novembre 2014

Réf. : Cass. civ. 2, 16 octobre 2014, n˚ 13-22.088, F-P+B (N° Lexbase : A6522MY9)

Telle est la solution retenue par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 16 octobre 2014. Un gérant de société, non comparant devant le tribunal de commerce de Nanterre qui l’avait condamné sur l’action du liquidateur de la société, en comblement de passif, a interjeté appel de ce jugement, signifié le 8 mars 2012, devant la cour d’appel de Versailles, représenté par un avocat inscrit au barreau de Paris, le 16 mars 2012. Il a interjeté un second appel du même jugement le 8 juin 2012, cette fois-ci en constituant un avocat au barreau de Versailles.

Par ordonnance du 6 décembre 2012, le conseiller de la mise en état a annulé la première déclaration d’appel et déclaré irrecevable comme tardive la seconde. Le gérant a déféré à la cour cette ordonnance.

La cour rejeta le déféré, retenant que l’article 2241, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9) n’est applicable qu’aux délais pour engager une action et non aux délais pour exercer une voie de recours, ce texte ne concernant pas les vices de fond, tel que le défaut de pouvoir de l’avocat.

Sous le visa de l’article 2241, alinéa 2, du Code civil, la deuxième chambre civile casse l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles. Elle rappelle, tout d’abord, qu’il résulte de ce texte que l’annulation par l’effet d’un vice de Par ordonnance du 6 décembre 2012, le conseiller de la mise en état a annulé la première déclaration d’appel et déclaré irrecevable comme tardive la seconde. Le gérant a déféré à la cour cette ordonnance. La cour rejeta le déféré, retenant que l’article 2241, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9) n’est applicable qu’aux délais pour engager une action et non aux délais pour exercer une voie de recours, ce texte ne concernant pas les vices de fond, tel que le défaut de pouvoir de l’avocat. Sous le visa de l’article 2241, alinéa 2, du Code civil, la deuxième chambre civile casse l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles. Elle rappelle, tout d’abord, qu’il résulte de ce texte que l’annulation par l’effet d’un vice de procédure de l’acte de saisine de la juridiction interrompt les délais de prescription et de forclusion. Elle précise, ensuite, que l’acte d’appel est l’acte de saisine de la cour d’appel et que le délai d’appel est un délai de forclusion, pour en conclure qu’après avoir prononcé la nullité de la première déclaration d’appel pour vice de procédure sur le fondement des articles 117, alinéa 3 (N° Lexbase : L1403H4Q), et 120 (N° Lexbase : L1410H4Y) du Code de procédure civile, la cour d’appel a dénié à sa décision tout effet interruptif du nouveau délai d’appel qui avait recommencé à courir, violant ainsi le texte susvisé.

Cet arrêt est riche en enseignement s’agissant de la portée de l’alinéa 2 de l’article 2241 du Code civil dont il convient d’en rappeler les dispositions, cet article étant issu de la réforme de la prescription civile du 17 juin 2008 (1) : « il en est de même [la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion] lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure ».

La notion de vice de procédure rendant nul un acte de saisine mérite une particulière attention (I). Les délais impactés par l’effet interruptif de l’article 2241, alinéa 2, du Code civil ne sont pas limités aux seuls délais pour engager une action (II).

 

I — Les vices de procédure rendant nul un acte de saisine

Le texte de l’alinéa 2 de l’article 2241 du Code civil met en avant la nullité de l’acte de saisine par un vice de procédure : « […] lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure ».

On songe immédiatement aux vices annulant directement l’acte de saisine : les cas de nullité des actes de procé- dure, quoique la solution retenue paraisse extensive au regard de l’esprit du texte et des solutions retenues par les juridictions de fond (A).

Le champ de l’effet interruptif est-il, cependant, restreint aux seuls cas de nullité des actes de procédure ? (B)

 

A — La nullité des actes de procédure interruptive : au-delà du vice forme

La Cour de cassation a clarifié les débats s’agissant des cas de nullité dans l’arrêt qu’elle a rendu en Chambre mixte, le 7 juillet 2006 (2) : la notion d’inexistence ne saurait être admise aux côtés des nullités de forme et des nullités de fond ; quelle que soit la gravité de l’irrégularité alléguée, seules affectent la validité d’un acte de procédure, indépendamment du grief qu’elles ont pu causer, les irrégularités de fond limitativement énumérées à l’article 117 du Code de procédure civile.

Ainsi, en dehors des vices de forme, dont le régime relève des articles 112 (N° Lexbase : L1390H4A) et suivants, seuls comptent comme vices de fond : le défaut de capacité d’ester en justice ; le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ; le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.

En l’espèce, le vice de fond provient du non-respect de la territorialité de la postulation caractérisé par le pouvoir de représentation par avocat que confère la loi n˚ 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), limité par les règles de postulation devant les juridictions du fond.

L’article 5 de cette loi précise, en effet, que les avocats « exercent exclusivement devant le TGI dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant la cour d’appel dont ce tribunal dépend, les activités antérieurement dévolues au ministère obligatoire des avoués près les TGI et les cours d’appel. Toutefois, les avocats exercent ces activités devant tous les TGI près desquels leur barreau est constitué ».

Par dérogation, son article 1er, III, dispose que « les avocats inscrits au barreau de l’un des TGI de Paris, Bobigny, Créteil, et Nanterre peuvent exercer les attributions antérieurement dévolues au ministère d’avoué près les cours d’appel auprès de la cour d’appel de Paris quand ils ont postulé devant l’un des TGI de Paris, Bobigny et Créteil, et auprès de la cour d’appel de Versailles quand ils ont postulé devant le TGI de Nanterre ». Les exceptions à cette exception sont les procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation.

En l’espèce, le gérant n’avait pas comparu en première instance. Il n’y avait donc eu aucune postulation devant la juridiction de Nanterre.

L’avocat inscrit au barreau de Paris n’avait donc pas le pouvoir de représenter cette partie devant la cour d’appel de Versailles. Il s’agit bien du dernier vice de fond prévu par l’article 117 du Code de procédure civile. La déclaration d’appel était donc nulle non seulement au regard de ces dispositions mais aussi de celles prévues par l’article 908 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0162IPP) : « la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58 (N° Lexbase : L1253H48), et à peine de nullité : 1˚ La constitution de l’avocat de l’appelant […] ».

La déclaration d’appel constitue un acte de saisine de la cour puisque l’appel est formé par déclaration unilatérale ou par requête conjointe (C. pr. civ., art. 900 N° Lexbase : L0916H4P).

C’est bien l’acte de saisine de la cour qui a été annulé, ce qui n’est pas le motif de cassation retenu.

Il convient de relever ce point important de l’arrêt du 16 octobre 2014 : l’application de l’effet interruptif aux vices de fond, lesquels comptent parmi les vices de procédure.

Le texte de l’article 2241, alinéa 2, du Code civil reste large : « lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure ».

Parmi les exceptions de procédure régies par le chapitre II du Titre V du Livre premier du Code de procédure civile figurent les exceptions de nullité (section IV), au sein desquelles sont visées les nullités des actes pour irrégularité de fond (sous-section 2).

La solution de l’arrêt commenté ne paraît donc pas surprenante à la lecture du texte. Elle peut paraître, en revanche, extensive au regard de l’esprit de loi nouvelle en matière de prescription civile.

A l’origine du nouveau texte (nouvel article 2241 du Code civil), la Commission des lois avait décidé de prévoir l’interruption du délai de prescription ou de forclusion lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure, entendu vice de forme : « Elle a en revanche décidé de prévoir l’interruption du délai de prescription ou du délai de forclusion lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure, alors qu’actuellement l’interruption est regardée comme non avenue si l’assignation en justice est nulle par défaut de forme (article 2247 du Code civil N° Lexbase : L7175IAY). Il lui a en effet semblé logique de conférer les mêmes effets à deux erreurs similaires portant, l’une sur la juridiction compétente, l’autre sur la procédure à suivre » (3).

Ainsi, l’évolution était souhaitée afin qu’un simple vice de forme ne puisse anéantir définitivement un droit d’action par l’effet d’une prescription ou d’une forclusion.

Les vices de fond sont pour autant plus graves car non assujettis à la démonstration d’un grief de la part de celui qui s’en prévaut (C. pr. civ., art. 119 N° Lexbase : L1407H4U). Ils peuvent être soulevés en tout état de cause (C. pr. civ., art. 118 N° Lexbase : L8421IRC) et doivent être relevés d’office lorsqu’ils ont un caractère d’ordre public.

Les juridictions de fond estimaient ainsi que les vices de fond n’avaient aucun effet interruptif.

La cour d’appel d’Angers (CA Angers, 21 janvier 2014, n˚ 12/02 511 N° Lexbase : A9630KZP) s’est prononcée dans une espèce où une assignation était frappée de nullité pour irrégularité de fond au visa de l’article 117 du Code de procédure civile : absence d’interruption de la prescription au visa de l’article 2241, alinéa 2, du Code civil par l’assignation nulle au sens de l’article 117 du Code de procédure civile.

La cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 20 février 2014, n˚ 13/07 965 N° Lexbase : A5679ME3) s’est prononcée dans le même sens, et encore plus récemment que l’arrêt cassé dans notre affaire (arrêt du 9 avril 2013) : pas d’interruption de la prescription par l’acte nul pour irrégularité de fond : « […] quand bien même le délai d’un mois pour faire appel prévu par l’article 538 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6688H7T) serait considéré comme un délai de forclusion susceptible d’interruption au sens de l’article 2241 du Code civil, la première déclaration d’appel de la société […] a été annulée pour irrégularité de fond et non à cause d’un vice de procédure, de sorte qu’elle ne peut avoir eu pour effet d’interrompre le délai pour faire appel ».

Ainsi, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation respecte la lettre du texte car un vice de procédure ne comprend pas que les vices de forme. La cour d’appel de Versailles opérait ainsi une distinction non prévue par la loi.

La Cour de cassation va, cependant, plus loin que l’esprit qui gouvernait la réforme et met un terme à la position adoptée par les juridictions de fond : l’effet interruptif ne s’attache pas à l’acte affecté d’un simple vice de forme mais à toute cause de nullité de l’acte de procédure en celle comprise l’irrégularité de fond.

 

B — Réflexions sur la caducité

Il est à noter que le texte de l’alinéa 2 de l’article 2241 du Code civil n’a pas inclus le cas de la caducité des actes de procédure.

La théorie générale des obligations enseigne que l’inobservation des conditions de formation des actes juridiques entraîne leur nullité.

L’acte annulé disparaît ainsi que tous les actes qui se trouvent sous sa dépendance. Cela est vrai également pour les actes de procédure. La sanction est donc grave : l’acte est effacé rétroactivement et est censé ne jamais avoir existé. La loi lui confère pourtant un effet interruptif alors que tous les actes subséquents de la procédure sont anéantis de la même manière.

Le rapport du Sénat n’évoque rien au sujet de la caducité de la demande ou de la citation. L’article 2241, alinéa 2, du Code civil n’exprime rien de plus que la nullité par l’effet d’un vice de procédure. Littéralement, la caducité devrait être écartée de ce champ interruptif de prescription et de forclusion. En effet, contrairement à la nullité, la caducité prive d’effet un acte qui a déjà été régulièrement formé. L’acte devenant caduc perd ses effets. C’est ainsi que l’assignation jugée caduque a été considérée comme non interruptive du délai de prescription (4).

L’article 385 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2273H4X) dispose par ailleurs : « l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation. Dans ces cas, la constatation de l’extinction de l’instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance, si l’action n’est pas éteinte par ailleurs ».

La caducité s’inscrit dans l’une des causes de l’extinction de l’instance. Or, selon l’article 73 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1290H4K), sont des exceptions de procédure, notamment les moyens qui tendent à faire déclarer la procédure éteinte.

Deux ordonnances du conseiller de la mise en état de la quatrième chambre de la cour d’appel de Rennes, rendues le 4 septembre 2013 (n˚ 12/06 502 et n˚ 12/03 777), ont estimé que la sanction de caducité que prévoient les articles 902 (N° Lexbase : L0377IT7) (défaut de signification de la déclaration d’appel dans le mois de l’avis du greffe) et 908 (N° Lexbase : L0162IPP) (défaut de conclusions de l’appelant dans les trois mois à compter de la déclaration d’appel) du Code de procédure civile relève du régime des exceptions de procédure et donc qu’elle doit être soulevée avant toute fin de non-recevoir et tout débat au fond, simultanément aux autres exceptions de procédure.

La position de la Cour de cassation est attendue. La prudence commande, toutefois, que les incidents de caducité, au regard de ces décisions, soient soulevés avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Doit-on alors considérer, si la caducité venait à être assimilée à un vice de procédure, qu’elle pourrait donner à l’acte qu’elle affecte un effet interruptif ?

Le bon sens plaiderait en faveur de cette solution si l’on admet un effet interruptif à un acte inexistant car annulé : comment un acte nul peut-il encore avoir un effet interruptif sur une prescription ou une forclusion, voire un quelconque autre effet, alors qu’un acte existant mais caduc n’en aurait aucun ?

Certes le texte de l’article 2241, alinéa 2, du Code civil ne dispose rien à ce sujet. Au-delà de cet oubli du législateur, la position de la Cour de cassation est, là encore, attendue. S’il ne s’agit pas d’un oubli, la logique échappe.

L’enjeu est important car la caducité de l’acte de saisine est prévue dans plusieurs procédures :

— devant les tribunaux d’instance et de commerce, devant lesquels la remise de l’assignation doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date de l’audience sous peine de caducité de l’assignation constatée d’office ou, à défaut, à la requête d’une partie (C. pr. civ., art. 839 N° Lexbase : L1148INT — tribunal d’instance ; et 857 N° Lexbase : L0833H4M — tribunal de commerce) ;

— devant la cour d’appel, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration pour conclure (C. pr. civ., art. 908) ; sous la même sanction, les conclusions de l’appelant sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour ; sous la même sanction, elles sont signifiées dans le mois qui suit l’expiration de ce délai aux parties qui n’ont pas constitué avocat.

 

II — Les délais impactés par l’effet interruptif de l’article 2241, alinéa 2, du Code civil

La solution retenue est conforme au nouveau texte applicable du Code civil ainsi qu’à l’évolution de la jurisprudence antérieure (A), à l’exception des délais dits de procédure, au-delà des seuls délais d’action (B)

 

A — Les délais de prescription et de forclusion, une solution entérinée

Le texte de l’article 2241, alinéa 2, du Code civil a finalisé une évolution jurisprudentielle dont la tendance allait en faveur d’un effet interruptif des délais de forclusion pour les causes interruptives reconnues comme telles.

Ainsi, en ce qui concerne l’interruption opérée par une citation en justice donnée devant un juge incompétent, la Cour de cassation, après avoir considéré qu’elle n’interrompait pas les délais de forclusion (5), avait opéré un revirement : la Chambre mixte jugea qu’un tel acte interrompait également les délais de forclusion (6).

La solution est retenue en ce qui concerne l’acte de saisine de la juridiction annulé par l’effet d’un vice de procédure.

La prescription et le délai préfix, dit de forclusion, obéissaient avant la loi nouvelle à des régimes distincts : la prescription ne pouvait être relevée d’office alors même qu’elle serait d’ordre public. La forclusion pour inobservation d’un délai préfix pouvait être relevée d’office par le juge selon son caractère d’ordre public ou privé. Par ailleurs, il n’y a pas de possibilité d’aménagement conventionnel en matière de délai préfix. Tels sont, à ce jour, les deux cas qui semblent réellement distinguer le régime de ces deux notions.

Le délai préfix n’est que la durée, limitée, d’un droit d’action donné, ce que retient l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles puisque selon elle le délai de forclusion s’attache au délai imparti pour agir. On le retrouve dans des actions attitrées (action dont la loi réserve l’exercice à certaines personnes qu’elle désigne).

Pour percevoir la distinction, en l’absence de définition textuelle précise et en présence de confusion de régimes, il convient de se référer aux termes employés par les textes : en l’absence du terme « prescription », dès lors qu’une action est enfermée dans un délai précis, souvent court, ou que le terme employé pour la sanction est « forclusion », on sera, selon toute vraisemblance, face à un délai préfix (la forclusion est la conséquence de l’inobservation d’un tel délai alors que l’irrecevabilité est la sanction directe d’une prescription extinctive -la loi n’est d’ailleurs pas venue simplifier ces logiques de distinction, car la forclusion génère comme sanction l’irrecevabilité (cf. C. pr. civ., art. 122 N° Lexbase : L1414H47)-.

La solution adoptée par la réforme vient donc simplifier la matière en inscrivant les deux délais dans l’effet interruptif d’un acte de saisine nul pour vice de procédure.

C’était, cependant, oublier la jurisprudence de la Chambre mixte de la Cour de cassation du 24 novembre 2006 (7) : elle précisa en effet que les dispositions générales de l’article 2246 du Code civil (N° Lexbase : L7176IAZ) (ancien, avant la réforme du 17 juin 2008) étaient applicables à tous les délais pour agir et à tous les cas d’incompétence.

Elle semblait donc restreindre les délais de forclusion aux seuls délais pour agir, ce que la cour d’appel de Versailles retint dans son arrêt du 9 avril 2013 (CA Versailles, 9 avril 2013, n˚ 12/08 795 N° Lexbase : A7597KBY). Cette décision fut cassée également en ce qu’elle ne reconnut pas d’effet interruptif aux délais d’exercice des voies de recours.

 

B — Les délais de recours et l’effet interruptif

A s’en tenir aux solutions rendues par la Cour de cassation, à plusieurs reprises, il semblait bien que le délai des voies de recours s’insérait dans les délais de forclusion.

Sur le fondement de l’article 121 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L142H43), selon lequel, dans le cas où la nullité est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue, plusieurs arrêts ont jugé que la régularisation doit intervenir avant toute forclusion. Ainsi, l’irrégularité de fond qui entache un acte d’appel, affectant la saisine de la cour d’appel, ne peut être couverte après l’expiration du délai d’appel (8).

Avec la réforme du 17 juin 2008 et le nouvel article 2241, alinéa 2, du Code civil, pourquoi distinguer ce que la loi ne distingue pas ?

Le délai de voie de recours demeure bien un délai préfix de forclusion. Comme l’énonçaient MM. Cornu et Foyer, le pouvoir d’exercer une voie de recours « n’est qu’une espèce d’action » (9).

On appelle instance la période de temps qui commence avec la demande initiale et qui s’étend jusqu’au jugement ou jusqu’à la survenance d’un incident y mettant prématurément fin.

Après l’effet suspensif, l’effet dévolutif est le second effet de l’appel : l’aspect positif de cet effet met en œuvre le principe du double degré de juridiction permettant au plaideur de demander à une juridiction hiérarchiquement supérieure d’examiner, une seconde fois, le litige soumis aux juges du premier degré, dans sa totalité, c’est-à-dire en fait et en droit.

Aujourd’hui, l’appel est aussi abordé comme une voie d’achèvement, le litige n’étant pas figé par les positions initiales des parties. La soumission à la cour de prétentions nouvelles dans les conditions de recevabilité propres à la procédure devant la cour d’appel permet, en quelque sorte, d’évincer le premier degré de juridiction.

En cela, l’acte de saisine de la cour n’introduit-il pas une nouvelle instance, et le délai pour l’introduire, au-delà de ce qu’il est un délai de voie de recours, n’est-il pas aussi, en quelque sorte, un délai d’action devant une juridiction de degré supérieur ?

La deuxième chambre civile, dans son arrêt du 16 octobre 2014, pose clairement comme principe que le délai d’appel est un délai de forclusion.

Est-ce dire que le délai d’appel est également un délai de forclusion, ce que n’aurait pas reconnu au délai d’appel l’arrêt cassé, ou est-ce que les juges du fond opéraient une distinction entre délais de forclusion (les délais d’action et de voie de recours), qui n’avait pas lieu d’être en matière de cause d’interruption ?

Il semble que les juges du fond estimaient que le délai de forclusion se renfermait au délai d’action à l’exclusion du délai de voie de recours, à en lire la motivation de l’arrêt cassé. La solution donnée est désormais claire et limpide.

Un élément de la décision marque enfin : le second appel a été interjeté le 8 juin 2012, la signification du jugement de première instance datant du 8 mars 2012, la première déclaration d’appel du 16 mars 2012, la première décision d’annulation de la première déclaration du 6 décembre 2012 et l’arrêt d’appel venant sur déféré du 9 avril 2013.

Si le nouveau délai d’appel devait courir à compter de l’acte nul du fait de l’effet interruptif, ce nouveau délai aurait expiré le 16 avril 2012. Le second appel aurait donc été irrecevable puisque formé le 8 juin 2012.

La Cour de cassation rappelle que c’est la décision d’annulation de la première déclaration d’appel à laquelle s’attache l’effet interruptif du nouveau délai qui avait recommencé à courir.

L’effet interruptif subsiste tant que la décision n’est pas rendue. Il a donc recommencé à courir le 6 décembre 2012, date de l’ordonnance qui a annulé la première déclaration d’appel, ce qui est d’ailleurs conforme aux dispositions de l’article 2242 du Code civil. Le second appel était dès lors recevable.

L’intérêt de se battre sur la nullité d’une déclaration d’appel se tarit car l’interruption du délai d’appel par la décision de nullité permettra une régularisation nonobstant une signification de jugement bien antérieure. Restent les cas de caducité pour lesquels la question se pose en droit, s’agissant de la qualification de vice de procédure, et en tout bon sens, s’agissant d’un effet interruptif sur les délais de prescription et de forclusion au regard de loi nouvelle en la matière.

 


 

(1) Loi n˚ 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, article 26 (N° Lexbase : L9102H3I).

(2) Cass. mixte, 7 juillet 2006, n˚ 07-14.788, P+B+R+I (N° Lexbase : A4285DQR), Bull. mixte, n˚ 6.

(3) Rapport Sénat n˚ 83 de M. Laurent Béteille, fait au nom de la Commission des lois, déposé le 14 novembre 2007.

(4) Ass. plén., 3 avril 1987, n˚ n˚ 86-11.536 (N° Lexbase : A6848AAU), D., 1988, somm.122, obs. Julien.

(5) Cass. civ. 1, 10 décembre 1996, n˚ 94-20.323 (N° Lexbase : A8631AH7), Bull. civ. I, n˚ 446, arrêt n˚ 2.

(6) Cass. mixte, 24 novembre 2006, n˚ 04-18.610, P+B+R+I (N° Lexbase : A5176DSI).

(7) Cf. arrêt cité note 6. supra.

(8) Cass. civ. 2, 19 octobre 1983, n˚ 82-13.030 (N° Lexbase : A8538AHP), Bull. civ. II, n˚ 167 ; Cass. com., 15 mai 1990, n˚ 88-19.232 (N° Lexbase : A4048AHE), Bull. civ. IV, n˚ 148 ; Cass. com., 14 décembre 1999, n˚ 97-15.361 (N° Lexbase : A5197AWE), Bull. civ. IV, n˚ 228.

(9) G. Cornu et J. Foyer, Procédure civile, 3ème éd., Paris, 1996, p. 382.